L’état d’exception se pérennise

Publié le par GUILLAUME DELLOH

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Les déclarations et actions des nouveaux tenants du pouvoir en Côte d’Ivoire ne suffisent pas pour masquer la difficile gestion de l’après-Gbagbo. Les limites du pouvoir exécutif s’étendent à l’infini dans un contexte d’insécurité grandissante et de chasse aux sorcières.

Quatre mois après l’éviction du président Laurent Gbagbo du pouvoir, au terme de la bataille d’Abidjan annoncée par le président sénégalais Abdoulaye Wade, la Côte d’Ivoire continue de vivre dans un état d’exception. Et cette situation d’anormalité pourrait durer de longues années si l’on n’y prend garde. A en juger par les actes par lesquels le nouveau chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, gouverne et la situation sécuritaire délétère qui prévaut dans le pays depuis le début de l’offensive des ex-Fafn soutenues par les forces spéciales françaises sur la zone ex-gouvernementale, principalement la ville d’Abidjan.

L’opération de fragilisation des institutions nationales continue avec des nominations plus inspirées par le désir d’effacer en un temps record les traces du président Gbagbo que par le souci de se conformer à la Constitution. Quand elles parlent d’Etat de droit, la connotation que les nouvelles autorités donnent à cette notion est totalement superficielle. Car, en réalité, tout ou presque se fait dans l’anti-constitutionnalité depuis le 11 avril 2011, date de l’arrestation du président Gbagbo.

Rapport conflictuel avec la Constitution

D’une part, Alassane Ouattara s’attribue des pouvoirs exceptionnels qu’il justifie par la nécessité de prendre des mesures vigoureuses pour sortir rapidement de la situation chaotique héritée de la crise post-électorale sans précédent que le pays a connue. Ainsi, depuis son accession au pouvoir, il gouverne par ordonnances et s’attaque systématiquement aux institutions de la République, en violation des dispositions de la Constitution ivoirienne, afin d’y installer ses propres partisans. Le cas le plus flagrant, c’est la nomination à la tête du conseil constitutionnel, en juillet dernier, du professeur Francis Wodié – un de ses alliés dans sa guerre contre Laurent Gbagbo – en lieu et place du professeur Yao Paul Ndré dont le mandat courait jusqu’en 2015.

D’autre part, des institutions essentielles comme l’Assemblée nationale sont mises en veilleuse, au motif que leur mandat a expiré depuis 2005. Une décision qui rappelle la décision du groupe international de travail (Gti) mis sur pied en son temps par l’Onu. Bien avant même de prêter serment et d’être investi dans sa nouvelle fonction, Alassane Ouattara avait dégommé avec célérité les présidents de la Cour suprême, du Conseil économique et social (Ces), de la grande Médiature et de la Grande chancellerie. A ce jour, aucune institution ni société d’Etat n’a été épargnée par ces nominations.

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La question sécuritaire, la gangrène

Sur le plan sécuritaire, c’est on n’est pas loin du chaos. Les populations sont livrées à des hordes armées tolérées par le nouveau régime pour avoir joué un rôle essentiel dans la prise du pouvoir, selon le propos du ministre délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi. Si le membre du gouvernement qui se réjouit d’avoir pu réduire les effectifs de «ces éléments Frci qui posent problème» de 30 mille à 10 mille en quatre mois reconnait que leur présence est source d’inquiétudes pour les populations, il feint de ne rien savoir des exactions commises à longueur de journée sur d’honnêtes citoyens dont le seul tort est d’être des partisans de Laurent Gbagbo. «La seule chose dont les populations peuvent peut-être se plaindre, ce sont les mauvais comportements de certains éléments. (…) Ils doivent libérer les domiciles qu’ils occupent, voire mettre fin à l’enlèvement de véhicules si certains le font. Surtout éviter les descentes et perquisitions abusives des domiciles. (…) on ne peut pas tolérer que des éléments Frci se tirent dessus dans la rue. De même qu’il est intolérable qu’ils occupent des maisons d’honnêtes gens», dit-il lui-même, campant bien la situation. Un panorama révélateur de l’insécurité dans laquelle les Ivoiriens vivent depuis quatre mois déjà.

Pour remédier à cette situation, des actes ont été pris qui, comme tous les autres, ne respectent ni les textes de loi en vigueur ni les textes internationaux, dont l’Accord politique de Ouaga (Apo) qui fixe les principes de la réunification de l’armée. Le point 7 du 4ème accord complémentaire à l’Apo disposait en effet que les com’zones qui ont été regroupés au sein d’une force spéciale devraient être admis à faire valoir leurs droits à la retraite à l’issue du processus de paix. Les dozos, «chasseurs traditionnels qui ont participé à la libération et à la pacification d’Abidjan», selon l’expression du ministre, sont à féliciter selon le ministre qui dit ne pas être informé qu’ils participent aux opérations de «sécurisation» dans certaines communes d’Abidjan. En l’occurrence à Yopougon, Koumassi, Attécoubé… Pour Paul Koffi Koffi, les membres de cette confrérie transformée en milice ne «sont aujourd’hui que de simples chasseurs traditionnels qui sont en ville». Au demeurant, le ministre prend l’engagement de faire en sorte que «les éléments non autorisés à faire la sécurisation» dont les dozos, cèdent la place aux forces régulières : police, gendarmerie, Frci.

Edouard Amichia

info@nouveaucourrier.com

Source: Le Nouveau Courrier

Publié dans Cote d'ivoire

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